60ème anniversaire de la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
LES DROITS DE L’HOMME EN LEUR TEMPLE
René CASSIN comparait la Déclaration Universelle à un temple grec On connaît cette
image qu'il a d'ailleurs lui-même dessinée et annotée de sa main, (et qui se
trouve aux Archives Nationales) : le soubassement constitué par les principes généraux, la
liberté, l'égalité consacrés par les articles 1 et 2, le parvis représenté par
le préambule. Puis ensuite les quatre colonnes : la première consacrée à
«la vie, la liberté et les garanties juridiques données à l'individu et
constituées par les articles 3 à 11 de la Déclaration Universelle », la
seconde que René CASSIN appelait lui-même "l'Homme et la Femme dans le
milieu social" (articles 12 à 17), la troisième : "les facultés
spirituelles et les libertés publiques et les droits politiques" (articles
18 à 21), la quatrième : "les droits économiques, sociaux et culturels ou
les devoirs de l’état envers l'individu" (articles 22 à 27). Et, enfin,
sur ces quatre colonnes, directement posé, sans architrave, frise ou corniche,
un fronton : « Les liens entre l'individu et la société » (articles
28 à 30).
En cette année anniversaire, on ne
rappellera jamais assez, en guise
d’avertissement pour le futur, que si
les nations civilisées sont convenues de proclamer à la face du monde les
principes fondamentaux (" foi dans les droits fondamentaux de l'homme,
dans la dignité et la valeur de personne humaine, dans l'égalité de
droits... » «le maintien de la justice » ou «le progrès
social », c’est à dire pour la plupart ces droits qu’Antigone appelait
“les lois immuables non écrites des dieux”) tels qu’ils sont nés de la
Conférence de SAN FRANCISCO et de la
«Charte des Nations Unies », dont les 111 articles font largement
référence aux Droits de l'Homme (article 1er § 3, article 55 alinéa C, article
56) puis de la Déclaration Universelle,
ce fut au printemps de 1945, c’est à dire au moment où les armées alliées
venaient d'entrer dans les camps de concentration et d'extermination de Pologne
et d'Allemagne.
Et, il est symptomatique qu'à
l'époque où le monde révulsé, par la révélation ou... par son manque rétrospectif de curiosité coupable, découvrait les cendres
des fours crématoires, le désir de protéger l'Homme ne se soit pas traduit par
une volonté de vengeance ou de châtiment
sans ménagement des coupables mais par la volonté d’édicter un système
universel de protection pour tout être humain fut-il criminel. Que l’on ait
justement fait de la «dignité humaine »
(absente de notre Déclaration française de 89) et des droits de l’individu "un idéal commun à atteindre". Et qu’à cet instant, on ait voulu ériger, par
l’article 11 § 1 de la Déclaration Universelle,
la présomption d'innocence – (qui figurait déjà à l’article 9 de la
Déclaration de 1789) - au rang de
principe de base du droit pénal moderne pour toutes les nations
civilisées ? Ou que l’on ai voulu consacrer dans le même temps le droit à un «procès
équitable" qui - contrairement à une croyance trop répandue - n’est pas
une conception anglo-saxonne du cérémonial judiciaire mais le texte même de
l’article 19 de l’avant projet de René CASSIN
Un anniversaire est toujours
l’occasion d’un bilan mais aussi d’une leçon. Au-delà de leur contexte
historique, les droits universels et indivisibles proclamés font aujourd’hui
partie de notre patrimoine juridique intangible. Pourtant s’ils ont été laissés
en héritage aux hommes, c’est à charge pour eux non seulement de savoir
les re-proclamer
sans cesse mais aussi d’assurer la sauvegarde de leur substance et de leur
finalité au regard des érosions toujours
plus subtiles et toujours recommencées à l’échelle des nouveaux défis des
temps.
N’a t-on
pas glosé, parfois avec un chauvinisme
excessif aux yeux des étrangers, sur la paternité de la Déclaration
Universelle ? N’est-il pas juste en ce 10 décembre de rappeler qu’au-delà du
rôle important joué par le Secrétariat des Nations Unies, notamment par
l'entremise du professeur canadien John HUMPHREY, des juristes comme le libanais Charles MALIK
, rapporteur, ou du vice-président chinois, le Dr CHANG (illustration de la
conception universaliste des droits de l’homme), – qui restent au nombre de ceux que l’on a
appelé « les géants » de la
Commission, les travaux préparatoires
montrent bien (et notamment son fameux «avant-projet ») que René Cassin
peut justement être appelé le «père de la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme », à condition de rappeler qu’elle a aussi une mère en la personne
de Mme Eleanor ROOSEVELT, ce qui justifie amplement l’ovation débout qu’elle a
longuement reçu au Palais de Chaillot, il y a tout juste 5O ans, de la part des
délégués après l’adoption de la Déclaration. Hommage donc aux deux grands
architectes. Nous mesurons mieux en ce soixantième anniversaire que pour avoir
rêvé ce temple et nous l'avoir dédié, René CASSIN méritait bien qu’on lui fît à
son tour les honneurs de ce temple, avec un stylobate, un parvis, des colonnes
et un fronton, mais avec au surplus la coupole que le génie de Soufflot y a
posé comme pour montrer que la construction était parachevée, qui a nom Panthéon.
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