Mehrangiz Kar
avocate de la condition féminine en Iran,
Prix Ludovic Trarieux 2002
Photo J. Javid
Par délibération du 23 mai 2002, le jury du " Prix International des droits de l’homme Ludovic-Trarieux " a attribué le Prix 2002 à l'avocate et journaliste iranienne Mehrangiz Kar. *
Mehrangiz KAR, avocate de la condition féminine en Iran, est une des figures
emblématiques de toutes les femmes qui osent se battre contre le pouvoir islamiste
et représentent un symbole d’espoir pour tout le peuple iranien. De ce combat,
elle est la plus connue, la plus
courageuse, qui se montre d'autant plus virulente qu'elle n'a plus rien à
perdre.
Né en 1944, à Ahvaz, une ville
dans le sud d'Iran elle se signale comme
la seule femme a avoir publié plus de 100 articles dans les journaux et
les magazines sur les questions sociales, bien que quelques-uns fussent
politiques aussi.
En 1979, elle réussit son examen d’entrée au Barreau et devient
avocate à Téhéran résolument engagée en faveur des Droits de la Personne
Humaine et plus particulièrement des Droits des Femmes. Elle est notamment
l'auteur avec Shahla Lahiji d'un livre intitulé "Le rôle des femmes dans
l'Iran préhistorique". En 2000, elle a été désignée comme membre au Conseil de l'Ordre des avocats de
Téhéran mais les services secrets de la
République Islamique sont intervenus pour faire déclarer nulle cette nomination au motif que cette fonction aurait
« excédé sa compétence".
Les écrits de Mehrangiz KAR
témoignent de ses engagements, notamment pour l’émancipation des femmes. Ella a participé à de nombreux colloques en
Europe et aux Etats Unis et notamment à une conférence à Washington organisée
par l'Institut du Moyen Orient, le 2 octobre 1999 où elle donna une
communication sur les obstacles que rencontrent en Iran les femmes, qu’elle
qualifie dans une très belle conférence d ‘ « individus de
seconde classe ». Elle écrit aussi sur les conditions de vie et le sort
parfois cruel réservé aux enfants en Iran, à propos desquels elle a écrit plus
d’une dizaine d’ouvrages parmi lesquels « Women's Participation in
Politics: Obstacles and Possibilities », où elle traque les manquements de la
loi iranienne à la Convention de l'ONU sur les Droits des Femmes, etc.. Toutes
ses tentatives de créer une ONG féminine iranienne furent empêchées par les
services de polices iraniens.
C’est dans le cadre de ce combat et
alors qu’elle était déjà étroitement
surveillée pour avoir été en 1994
l’une
des signataires de la lettre ouverte écrite par 134 intellectuels au Président Rafsanjani pour protester contre la censure, qu’en avril 2000, elle a été invitée à intervenir à BERLIN, à un colloque organisé par
l’Institut Heinrich Böll sur le thème « l’Iran après les élections »,
au cours de laquelle ont eu lieu de violentes manifestations de la part
d’exilés iraniens contre la situation politique en IRAN.
A son retour de la conférence,
elle a été arrêtée et incarcérée. en même temps
que deux autres participants, l’éditrice Shahla Lahiji, militante féministe, et un
syndicaliste étudiant par la Justice iranienne pour « atteinte à la
sécurité nationale » ainsi que pour "non-respect du hejab
islamique" (la tenue vestimentaire des femmes en public, telle qu'elle est
prescrite par la charia).
Ses déclarations ne constituaient pas une incitation à la
violence. Selon l'acte d'inculpation, elle a affirmé que « le système islamique violait depuis vingt et un ans les droits
fondamentaux et les droits de la nation iranienne… » et qu'il était « nécessaire d'examiner l'action de
l'État non seulement pendant les dix dernières années mais sur la période de
vingt et un ans. C'est ce que le peuple iranien attend du courant réformiste en
Iran : remédier aux violations de ses droits fondamentaux commises pendant
les vingt et une dernières années. » Elle a ajouté : « La structure juridique de l'Iran est,
par bien des aspects, complètement opposée aux droits des femmes. Celles-ci
n'ont aucun droit dans le domaine de la famille, que ce soit en qualité
d'épouse ou de mère [...]» .
Placée au secret, dans les pires conditions, dans la prison pour
femmes d’EVIN (les femmes n’ont pas droit à consommer de l’eau potable ), sans droit de communiquer avec son avocate
(Chirine EBADI – également candidate à l’attribution du Prix – qui devra
renoncer à sa défense), elle a n’a du sa provisoire sa libération, le 21 juin
suivant, à la suite d’une immense mobilisation de toute sorte des ONG à travers
le monde, qui ont abouti à sa mise en
liberté moyennant le versement d’une
caution de près de 63 000 A.
Le 13 janvier 2001, le tribunal
révolutionnaire de TEHERAN l’a condamnée à quatre ans d’emprisonnement
(5 ans pour ses codétenus) pour ses déclarations pendant la conférence.
A l’occasion de son incarcération, elle se découvre atteinte
d’un cancer du sein, et elle craint de mourir avant d'avoir terminé de purger
sa peine. Elle bénéficie à nouveau
d’une exemplaire mobilisation des ONG qui finissent par arracher au pouvoir
iranien l’autorisation de se rendre aux Etats-Unis pour y recevoir les soins requis par sa grave pathologie.
Ayant quitté l’Iran aux alentours du 12 FEVRIER 2001, elle
devait y retourner toujours en cours de traitement pour comparaître devant la Cour d’Appel, où les Droits de la défense,
pas plus qu’en première instance, n’ont été respectés. Obligée de plaider
coupable, elle a vu sa peine ramenée à 6 mois de prison incluant les deux mois
de prison déjà effectués. Malgré cette clémence de façade donnée en gage aux
organisations humanitaires, la persécution s'est poursuivie de façon plus
subtile à l’encontre des membres de sa
famille. Ainsi son mari, le journaliste
et critique de cinéma, Siamak POURZAND a été considéré comme disparu en
novembre 20012001 après avoir été
interpellé par des agents inconnus. On sait aujourd'hui qu'il avait été arrêté
et a depuis été mis en jugement pour
haute trahison au début du mois d’avril
2002. Il encourt la peine de mort. L’appel de sa fille Azadeh, qui évoque aussi
la situation de sa mère Mehrangiz KAR, est absolument pathétique.
Aujourd’hui, elle craint de mourir avant d'avoir terminé de
purger sa peine : "Ma vie est courte maintenant, je dois écrire et
travailler vite", a t’elle déclaré avant de comparaître devant la cour
d'appel. Ainsi, à peine son "Etude sur la violence contre les femmes en
Iran" est-il en librairies (500 pages), elle publie, en février 2001, le récit de ses semaines de prison où
elle montre dans un texte poignant à quel point la section des femmes de la
prison est pire que celle des hommes.
La candidature de Madame Mehrangiz Kar au Prix Ludovic-Trarieux avait été présentée par Bad Jens (Iranian feminist
Newsletter).
* La Délibération du Jury du PRIX
INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMME
"LUDOVIC TRARIEUX" 2002
a
eu lieu le
Jeudi
23 mai 2002 1985 Nelson MANDELA (Afrique du SUD) 1992 1994 1996 1998 2000
A la Maison du Barreau
11 Place Dauphine
75000 PARIS
(Pérou)
(Bosnie-Herzégovine)
(Tunisie)
(Algérie).
(Chine)
(Turquie)