IDHBB 21.06.2003

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Digna Ochoa

lauréate à titre posthume

conjointement avec Bárbara Zamora

du Prix Ludovic-Trarieux 2003

 

Digna Ochoa y Plácido, avocate des droits de l'homme au Mexique, a été assassinée le vendredi 19 octobre 2001, à l'age de 37 ans, d'un coup de fusil, alors qu'elle se trouvait à son cabinet de la rue Zacatecas, en plein centre de Mexico. Les assassins ont tirés trois fois à bout portant.  Son corps a été retrouvé dans l'entrée, par terre, la tête posée sur le siège et le visage ensanglanté, par un avocat auxiliaire vers 17h50, avec des balles dans la tête et les jambes.

Près de son corps on a trouvé une lettre anonyme adressée à ses anciens collègues de Pro-DH : « Fils de pute, continuez comme ça et la même chose arrivera à plusieurs d'entre vous. Vous avez été averti, vous n'aurez pas d'excuse ».

Avocate depuis 1988, Digna Ochoa, dirigeait le service juridique du Miguel Agustín Pro Centre Juárez pour les Droits Humains « Pro-DH » ( en hommage au Bienheureux jésuite Miguel Pro, mort martyr en 1927) et militait depuis 1995 pour la défense des droits humains. A ce titre, elle avait défendu entre autres des personnes accusées de connivence avec le mouvement zapatiste. A maintes reprises, elle a dénoncé la torture et les violences subies par ses clients pendant leur passage dans les services de police. .Lors de ces procès, Maître Ochoa a mis en cause des groupes paramilitaires et intenté une action en justice contre 16 d'entre eux qui officient au Chiapas.
En 1996, des menaces de morts lui sont parvenues au PRODH. Malgré tout, elle a maintenu son combat contre la violation des Droits de l'homme, en assurant la défense des victimes des exactions de l'armée mexicaine. Les événements démontrent une escalade inquiétante dans les menaces et les attaques depuis 1995.
Entre 96 et 97, ils avaient reçu de nombreuses menaces contre Digna et d'autres intervenants du Pro qui alors s'occupaient du cas de présumés zapatistes.
Au matin du 29 octobre 1999, le personnel du PRODH a découvert que les locaux du Centre avaient été saccagés et les bureaux du service juridique fouillés. Ils découvrirent une menace d'attentat griffonnée sur une chemise de dossier. Ce ne sont pas les premières tentatives d'intimidations reçues par cette organisation de lutte contre la violation des droits de l'homme. Les attaques, menaces et harcèlement s'étaient intensifiés depuis début août en dépit des promesses du procureur du district de Mexico, à la fin de septembre 1999 septembre de faire procéder à des enquêtes vigoureuses de la part des autorités chargées du maintien de l'ordre et du respect de la loi. Le 9 août précédent, deux inconnus avaient fait monter Digna Ochoa de force à l'arrière d'une voiture et frappée à l'estomac, puis menacée de mort avant de finir par la relâcher.

Les personnes qui l'interrogèrent lui demandèrent des précisions sur les activités du Pro et des supposés contacts dans différents états. Nous rappelons que le cas des frères C.. qui furent détenus après les explosions de la succursale de Banamex doivent être jugés le 22 octobre et Digna devait les défendre avec Barbara Z... Simple coïncidence ? Son corps a été transféré à l'amphithéâtre du ministère public pour les vérifications correspondantes.
Elle avait quitté Mexico de septembre 2000 à avril 2001 dans l'attente que le danger passe, malgré une protection accordée en novembre 1999 par le gouvernement mexicain. Cette protection avait pris fin le 22 août 2001. .Son assassinat en octobre 2001 démontre que son retour était prématuré. Trois semaines après cet assassinat, deux de ses clients, défenseurs de l'environnement dans l'état de Guerrero ont été libérés par décret présidentiel, après deux et demi de détention.

 

Les autorités mexicaines se sont engagées à mener une enquête efficace et impartiale sur le meurtre de Digna Ochoa. Mais l'enquête sur l'assassinat n'a abouti qu'à la thèse absurde d'un supposé suicide d'une femme qui s'était illustrée dans la défense de victimes de violations des droits Humains qui mettaient en cause les institutions de l'Etat, notamment les autorités militaires. Un nouveau représentant du ministère public, la procureure Margarita Guerra, a été chargé de l'enquête le 1er août 2002 et s'est déclarée prête à appliquer les recommandations de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, et à permettre à son équipe internationale d'experts en criminalistique de prendre part aux investigations. Il n'en reste pas moins qu'aucune mesure concrète n'a été prise en ce sens. Au contraire, sa plus proche collaboratrice, Bárbara Zamora, qui mène une contre enquête sur la mort de Digna Ochoa à la demande de sa famille, .a reçu à son tour les mêmes menaces en mars 2002. En octobre 2002, Amnesty International et le Lawyers Committee for Human Rights, ont protesté contre l'absence de réels progrès dans le cadre de l'enquête officielle.

Les attaques directes et violentes, ainsi que le harcèlement envers les défenseurs des Droits humains sont monnaie courante au Mexique. Le PRODH ne compte plus les communiqués de menaces de mort qui arrivent dans ses bureaux depuis 1995, date à laquelle, certains de ses avocats, parmi lesquels Digna Ochoa, ont pris en charge les cas de plusieurs individus accusés de participation à la rébellion de l'armée nationale zapatiste de Libération (EZLN) dans l'Etat du Chiapas. Dans plusieurs de ces cas, le PRODH a fait valoir que les clients désormais représentés par ses avocats avaient été soumis à la torture, ainsi qu'à des violations du processus légal normal, lorsqu'ils se trouvaient aux mains de la police et du Ministère Public.

En 2000, Digna Ochoa y Plácido avait fait partie des 50 défenseurs des Droits de l'Homme honoré par le Président américain Clinton. Elle a également obtenu les Prix des Droits de l'Homme Roque Dalton, d'Amnesty International et du Barreau de New York. Sa candidature au Prix 2000 avait été présentée par le Lawyers Committee for Human Rights, et pour le Prix 2002 par le Canadian Journalists for Free Expression (CJFE) et Lawyer's Rights Watch Canada (LWRC).

Pour en savoir plus :

·  Le site de l'ACAT .

·  Hommage à Digna Ochoa .

 

 

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